J'invite les visiteurs, s'ils le souhaitent, à regarder mes oeuvres comme un travail de traduction de l'expérience quotidienne qu'une part de notre réalité me/nous échappe.

Cette part insaissible de soi, de l'autre, de la réalité est la matière première de ma pratique artistique. Se mettre au travail dans l'atelier, c'est accepter cela avant tout. Sans cet impossible à dire, je n'aurais paradoxalement rien à dire et donc rien à créer.

 

Il n'y a rien de neuf ni d'original dans cette déclaration. Le récit de nombreux artistes, quelles que soit leurs techniques, peuvent être ramenés à cette essentielle vanité de l'effort artistique. Peut être est-ce cela qu'on appelle "la beauté du geste" ?

 

Je crois donc que chacune de mes oeuvres se tisse avec une incompréhension. Ce quelque chose qui m'échappe se manifeste vigoureusement et, comme dans un jeu, il semble me dire : "Attrape-moi si tu peux". 

Je n'ai donc pas de thème, de sujet, d'objet précis ou précisable. C'est peut être plutôt quelque chose qui justement ne peut être nommé que je travaille, un peu comme à l'aveugle. Je crois qu'il faut se réjouir de ce qui échappe même sion est plutôt tenter de s'en plaindre, dans un premier temps.

 

Car la sensation d'avoir "réussi" malgré tout est le signe qu''une oeuvre vient de naître. C'est à ce moment que je signe "Delf" en bas ou au dos. Je peux peut être dire la signature est la trace du moment où "ça a marché". 

Ca ne dure pas. Mais l'expérience de ce moment, parfois très court, nourrit le travail suivant. 

L'intuition ou l'illusion, selon comment on veut le voir , d'avoir compris quelque chose, même si c'est provisoirement, fugacement.

 

Parfois, je n'arrive pas à décider et je sollicite un autre regard. Je suis convaincue de la nature à la fois singulière et collective de toute création. Je perçois la pluralité des commentaires, des interprétations, des réactions comme partie intégrante de l'oeuvre. Celui qui décide d'en acheter une emporte avec lui le bruissement silencieux de toutes les paroles que l'oeuvre a entendu et tous les regards qui se sont portés sur elle.

 

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Bricolages de formes et de couleurs, mes images peuvent donc être tour à tour des condensés que des décryptages de cette quête de sens, des amalgames autant que des lignes de force.